Qui est l'homme de Néandertal?

"L'homme de Néandertal : Le cannibal disparu", Paratonnerre, http://leparatonnerre.fr
Le premier spécimen attribué à l'homme de Néandertal a été mis au jour en 1856(1). Depuis la découverte de cette espèce, beaucoup d'hypothèses ont été émises sur son origine et sur ce qu'elle était vraiment. En raison de la robustesse des ossements trouvés, les chercheurs ont attribué à cet homme des caractéristiques primitives. Bref, les Néandertaliens étaient considérés comme des "barbares" et, à l'époque, il était impossible de concevoir qu'il possédaient un quelconque lien de parenté avec l'homme moderne. L'Église anglicane répandait l'idée que l'espèce humaine était une création de Dieu lui-même et donc, elle ne pouvait pas avoir d'ancêtre puisqu'elle était apparue sur Terre sous sa forme actuelle. Au cours des décennies qui ont suivies ces premières réflexions, le concept évolution a fait son apparition au sein de la science. Désormais, l'homme fait partie d'une succession d'espèces s'étant battues pour survivre et ayant changé physiologiquement pendant des millions d'années pour en arriver à sa forme actuelle. L'homme de Néandertal a finalement trouvé sa place dans l'histoire humaine. Avec l'avancement des fouilles archéologiques et avec l'apparition de nouvelles méthodes de recherche, il est maintenant possible de rectifier les propos ayant été dits sur lui dans le passé. Voici ce que nous savons d'eux aux meilleures des connaissances actuelles.
Son apparition
Les néandertaliens seraient apparus sur le continent européen il y a environ 125 000 ans. Avant cette date, les ossements retrouvés n'ont pas encore les traits physiques que les paléoanthropologues attribuent à un Néandertal "typique". Les spécimens antérieurs à cette période possèdent des caractéristiques associées à Homo neanderthaliensis et à Homo heidelbergensis. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est majoritairement admis que cette espèce est son prédécesseur(2). Ceci ne reste toutefois qu'une hypothèse. Les scientifiques qui travaillent sur les principes de l'évolution, savent depuis quelques années que le physique et le comportement des êtres vivants n'indiquent pas nécessairement qu'ils sont apparentés, mais qu'ils peuvent avoir développés les mêmes mécanismes évolutifs pour répondre à un problème contextuel semblable(3). En d'autres mots, il est impossible de déterminer l'identification taxonomique d'un individu uniquement par l'observation des restes mis au jour.
Son territoire
L'aire géographique de ces hommes était plutôt restreinte s'il est comparé avec la superficie qu'occupe les hommes de nos jours. De manière officielle, ils vivaient dans une bonne partie de l'Europe, au Proche-Orient et dans certains pays actuels du Moyen-Orient(4).Toutefois, des chercheurs de l'Institut Max Planck ont extrait de l'ADN de certains hommes de Néandertal et ont découvert, tout récemment, que ces derniers se sont accouplés avec des Homo sapiens il y a près de 100 000 ans dans la région de l'Altaï en Sibérie. De plus, en 2014, le séquençage de deux génomes humains suppose que d'autres métissages ont eu lieu entre 58 000 et 52 000 ans en Sibérie occidentale(5). Ces deux résultats proposent que la surface sur laquelle se déplaçait les Néandertaliens était plus grande que celle préalablement supposée. Cette conjecture est aussi en partie appuyée par la mise au jour d'outils en silex retrouvés à Byzovaya. Ce site possède toute une collection d'objets façonnés grâce à la technique levallois, une industrie pratiquée par cette espèce(6). Il est important de savoir qu'il n'y a pas que ces derniers qui connaissaient cette méthode de fabrication. Certains Homo sapiens (ceux de l'Afrique et du Proche-Orient) semblent avoir appris la maîtrise du débitage levallois(7). En l'absence de fossiles humains, les scientifiques ne peuvent déterminer si cette région était bel et bien occupée par des hommes de Néandertal. Si toutes ses informations s'avèrent néanmoins véridiques, voici une carte montrant le territoire révisé de ce dernier.

Que nous raconte son corps?
En 1887, des chercheurs étudiant les hommes préhistoriques de Belgique, sont intrigués par la longueur des membres qu'ils trouvent. Ce n'est toutefois qu'en 1981 que des études sont menées afin de comprendre pourquoi les bras et les jambes des Néandertaliens semblent plus petits que ceux des hommes modernes. En calculant leur rapport jambe/cuisse et leur rapport avant-bras/bras, ils constatent que les valeurs correspondent à des ratios se trouvant à l'extrémité inférieure de celles des homo sapiens. Les résultats sont comparables à ceux des populations nordiques, telles que les Inuits. Les scientifiques comprennent que les êtres vivants dotés d'un corps massif et de membres raccourcis ont subi des changements corporels dans le but de résister au froid. Cette morphologie réduit la quantité de chaleur s'échappant du corps et c'est pour cette raison qu'elle avantage ceux faisant face à des températures glaciales (8).
Ci-dessous, la différence entre un squelette néandertalien (à gauche) et un squelette homo sapiens (à droite) :

IBARRONDO Françoise, "Néandertal et son chromosome Y", Evo-Bio, http://evobio.blog.lemonde.fr
Le froid a aussi laissé des traces sur le visage de cette espèce. Une multitude des petits trous présents sur leurs crânes, indiquent que ces derniers possédaient une très grandes quantités de vaisseaux sanguins(9). Ceux-ci, faisant circuler le sang, permettaient de maintenir plus facilement la tête au chaud puisqu'un plus grand flux de chaleur y était présent. Une telle adaptation n'existe pas chez les humains actuels. Toutefois, les Népalais bénéficient d'un plus grand nombre de veines sous la langue et sur les mains afin d'accentuer la circulation de l'oxygène dans leur corps. Beaucoup de cette population vivent dans les montagnes et ils ont su s'acclimater au fil des milliers d'années à cet environnement spécifique. Bien que l'augmentation des vaisseaux sanguins chez l'homme de Néandertal n'a pas la même fonction que chez l'homme d'aujourd'hui, cet exemple montre qu'un tel changement est possible.
Leur alimentation
Mark Sorensen et William Leonard ont estimé qu'un Néandertalien devait consommer un total de 3000 à 5000 calories par jour afin de disposer de tout l'énergie nécessaire aux déplacements et maintenir sa masse corporelle, étant d'en moyenne 20 kg supérieur à celle d'un Homo sapiens sédentaire. De nombreux sites archéologiques prouvent que l'homme préhistorique chassait régulièrement de gros et de petits gibiers herbivores à l'aide d'épieu pour subvenir à son impressionnant régime, comparable à celui d'un marathonien(10). Cependant, le titre de "carnivore quasi exclusif" que les chercheurs lui attribuaient autrefois tombent peu à peu au fil des années. En 2011, l'analyse du tartre présent sur les dents de trois hommes, montre que ces derniers avaient un régime alimentaire aussi diversifié que celui des Homo actuels. En plus de consommer une grande variété de viandes, telles que des phoques, des dauphins, des poissons et des mollusques, ils avaient aussi l'habitude de manger des légumineuses, des graminées, de l'orge et une multitude d'autres végétaux. De plus, il se trouve que les graines de graminées étaient cuites dans le but de les rendre plus comestibles et d'améliorer leurs apports nutritionnels (11). Si le coureur de fond Emil Zapotek est parvenu au Jeux Olympiques en se nourrissant de tofu, de salade et de légumineuses, pourquoi l'homme de Néandertal n'arriverait-il pas à survivre en mangeant de temps à autre des végétaux?
Ses talents
Les hommes préhistoriques vivaient au sein d'institutions culturelles très développées. Beaucoup d’anthropologues ont séjourné dans des groupes de chasseurs-cueilleurs encore présents aujourd'hui dans l'intention de comprendre la manière dont leurs sociétés fonctionnaient. Leurs observations ont été utilisées en paléoanthropologie, puisqu'il est impossible d'étudier directement les populations du passé, afin de soutirer un portrait du mode de vie d'autrefois. Bien que cette analogie est un risque d'interpréter à tort certains comportements, elle a permis de constater qu'un peuple disposant de peu de cultures matérielles n'est pas forcément dotée d'une organisation sociale simple(12). Les Inuits, par exemple, pratiquent la chasse selon un calendrier saisonnier, possède un système hiérarchique, ont tout un panthéon de divinités et détiennent des règles très strictes au sein même du cercle familial. Les fouilles archéologiques montrent qu'une telle complexité sociétale chez les Néandertaliens est possible.
Tout d'abord, une nouvelle industrie lithique fait son apparition il y a environ 300 000 ans : le Moustérien. Cette "culture" est caractérisée par un changement dans le façonnement et la forme des outils en pierre retrouvés. Durant la "culture" dites Acheuléen, les hommes débitaient aux extrémités d'un gros caillou (nucléus) des éclats plus ou moins symétriques et les modifiaient légèrement dans le but d'en faire des objets tranchant. La technologie qu'a inventé les pré-néandertaliens a modifié et diversifié l'apparence des outils, puisqu'ils ne se contentaient plus de laisser la forme détachée du nucléus sous son apparence initiale(13).


"L'origine et l'avenir de l'homme", Luxorion, http://www.astrosurf.com
Nous avons mentionné plus haut que les hommes de Néandertal consommaient de gros animaux, notamment des herbivores. Leur force spectaculaire ne suffisait toutefois pas à tuer leur nourriture. Cette espèce possédait des armes de chasse afin de faciliter la capture des proies qu'ils pourchassaient. Celui étant le mieux connu est la lance. Il s'agit d'un bâton de bois mesurant jusqu'à 2,50 mètres de long. Il y a 300 000 ans, il semble que l'objet était taillé à son extrémité et durci au feu afin de le rendre dangereux. Mais, l'homme de Néandertal a inventé, au fil du temps, un outil muni d'une pointe de flèche à son extrémité. Cette dernière était collé avec du bitume, une colle créée de toute pièce par ces humains(14). Les archéologues pensent que ces gens s'approchaient très près lorsqu'ils s'attaquaient aux animaux en raison des nombreuses blessures présentes sur plusieurs parties des squelettes retrouvés. Ces lésions sont semblables à celles des monteurs de rodéo contemporains. C'est pour cette raison que certains chercheurs croient qu'ils tentaient de surprendre leurs proies par derrière. En d'autres termes, il montaient sur leur dos! Néanmoins, il n'est pas exclu que ces armes pouvaient aussi être projetés dans les airs, bien qu'on associe davantage cette technique à Homo sapiens.
Pour conclure, l'homme de Néandertal est aujourd'hui considéré comme un homme distinct de nous, mais possédaient, sans le moindre doute, de nombreux attributs nous rendant similaires. Ils détenaient les connaissances nécessaires pour vivre dans des régions extrêmement froides, ils fabriquaient des outils diversifiés et efficaces, à un tel point qu'en les rencontrant, les homo sapiens ont à leur tour développé l'industrie moustérienne. Les recherches des dernières années ont aussi permis de découvrir que cette espèce pratiquait des rythmes funéraires, avait le sens de l'esthétisme et même, avait peut-être développer un système de figurations abstraites. Il est certain que ces humains n'ont pas encore fini de nous surprendre. Toutefois, plus les chercheurs découvrent ses capacités cognitives et culturelles, plus les raisons de sa disparition deviennent mystérieuses...
Médiagraphie
(1) HERBERT Thomas, "Découverte de l'homme de Néandertal", Universalis, www.universalis.fr, 1 page.
(2) CONDEMI Silvana et SAVATIER François, Néandertal, mon frère : 300 000 ans d'histoire de l'homme, Lonrai, Éditions Flammarion, 2016, p.43.
(3) BRAGA José, COHEN Claudine, MAUREILLE Bruno et TEYSSANDIER Nicolas, Origines de l'humanité : les nouveaux scénarios, Paris, Éditions La ville brûle, Collection 360, 2016, p.52.
(4) PRICE Bruce, Les plus grands mystères de l'histoire de l'humanité, Saint-Constant, Éditions Broquet, 2012, p.19.
(5) CONDEMI Silvana et SAVATIER François, Néandertal, mon frère : 300 000 ans d'histoire de l'homme, Lonrai, Éditions Flammarion, 2016, p.199.
(6) Ibid., p.81.
(7) Ibid., p.168.
(8) CONDEMI Silvana et SAVATIER François, Néandertal, mon frère : 300 000 ans d'histoire de l'homme, Lonrai, Éditions Flammarion, 2016, 74.
(9) Ibid., p.78.
(10) Ibid., p.107.
(11)AZÉMA Marc et BRASIER Laurent, Le beau plus livre de la Préhistoire, Dunod, Éditions Dunod, 2016, p.92.
(12) DEMOULE Jean-Paul, "Naissance des égalités et prémisses de l'État", : De la Préhistoire à l'histoire, PDF.
(13) AZÉMA Marc et BRASIER Laurent, Le beau plus livre de la Préhistoire, Dunod, Éditions Dunod, 2016, p.26 et 52.
(14) Ibid., p.46.
RAMBAUD Thierry, "Biface acheuléen, Musenor,