Le rôle stellaire des pyramides d'Égypte

Les pyramides d'Égypte, plus particulièrement celles se trouvant sur le plateau de Gizeh, ont donné droit à une foule d'interprétations sur leur véritable utilisation à l'époque pharaonique. Beaucoup d'égyptologues attribuent ces monuments aux tombeaux de rois souhaitant obtenir la vie éternelle après leur passage sur la Terre. Par exemple, celle prénommée la "Grande pyramide" aurait appartenu à Khéops. Toutefois, la preuve qui soutient cette théorie est mince puisqu'elle ne tient qu'à quelques graffitis sur les poutres au-dessus de la "chambre du roi". Malheureusement, nous ne pourrons pleinement élucider la totalité de leurs fonctions aujourd'hui, mais certaines d'entre elles possèdent davantage de preuves que d'autres. Il est connu que certaines divinités égyptiennes sont identifiées à des étoiles ou à des constellations dans le ciel. De plus, les textes de l'époque révèlent quelques passages où il est question de croyances religieuses en lien avec les cieux. Les astres étaient donc très importants pour cette société antique. Mais, étaient-ils importants au point de construire des bâtiments gigantesques pour eux? Certains faits astronomiques montrent que cela semblait être le cas. Il ne sera mentionné que les pyramides ici, mais quelques démonstrations montrées dans l'article, peut être aussi applicable à d'autres structures de cette civilisation.
Petit résumé de l'évolution chronologique des pyramides
Les pyramides de l'Égypte antique ont été érigées entre la 3e et la 18e dynastie, soit entre le 27e et le 16e siècle av. J-C(1). Elles ont toutes été construites à l'ouest de la vallée du Nil puisque à l'époque pharaonique le "monde des vivants" était géographiquement séparé du "monde des morts". Le fleuve, un élément naturel qui traverse l’entièreté du territoire, a donc servi de barrière entre les deux univers. Les premières constructions pyramidales étaient bâties en degrés, c'est-à-dire que les faces du monument comportaient plusieurs étages, comparable aux marches d'un escalier. Son apparence peut s'expliquer par les structures qui les précédaient ; il s'agit des mastabas. Ces dernières étaient des sépultures funéraires. À plusieurs mètres de profondeur, se trouve un ou plusieurs caveaux ayant le rôle de garder le corps du défunt(2). Ces édifices de forme rectangulaire étaient érigés par les familles royales et les hauts dignitaires au cours de la première et de la deuxième dynastie. D'ailleurs, il se trouve que la toute première pyramide, celle de Saqqarah, était autrefois un mastaba.
L'image ci-dessous montre les différentes étapes de construction de la pyramide de Saqqarah ainsi ce à quoi le bâtiment ressemble aujourd'hui :


"Pyramide de Djoser", Pinterset, www.pinterest.com
"Pyramide de Djoser", Pinterset, www.pinterest.com
Puis, vers la fin de la troisième dynastie, les premières tentatives de construction des pyramides à faces lisses apparaissent. Le premier témoignage de cet essai est celle de Meïdoum. Ce monument possédait initialement sept degrés, mais il a été transformé à l'aide d'un revêtement de calcaire par-dessus la première phase de construction(3). Le recouvrement n'existe plus aujourd'hui, seule la partie centrale est demeurée en place. La seconde construction avait aussi pour but de parvenir à bâtir une pyramide "parfaite". Toutefois, les architectes avaient prévu une inclinaison trop abrupte pour sa hauteur. Les travailleurs ont débuté la pyramide avec une pente de 54 degrés, mais lorsqu'ils sont arrivés à mi-parcours, les soubassements se sont effondrés. Ils ont donc abaissé son gradient à 45 degrés dans l'espoir de pourvoir la terminer(4). En raison de son apparence arrondie, les égyptologues l'ont nommé la Rhomboïdale.
La pyramide de Meïdoum :

"Ancien empire|, Pinterest, www.pinterest.com

"Pyramide de Meïdoum", Visite Égypte, www.visite-egypte.com
La pyramide Rhomboïdale :

"Le cœur de la pyramide scannée grâce aux muons", Sciences et Avenir, www.sciencesetavenir.fr
La toute première réussite est venue vers le milieu de la quatrième dynastie avec la pyramide rouge. Celle-ci possède la même inclinaison que celle utilisée dans la deuxième phase de construction de la Rhomboïdale(5). Cet élément appuie en quelque sorte l'idée que ces bâtiments sont la preuve que des calculs hypothétiques ont été testées directement sur les chantiers et qu'ils ont permis d'améliorer les manœuvres de fabrication et, ainsi façonner des structures de meilleure qualité. Après ce succès, la fameuse pyramide de "Khéops" a fait son apparition sur le plateau de Gizeh. Ensuite, aucune autre n'a possédé des dimensions aussi impressionnantes, bien que la hauteur de "Khephren" ne faisait que 3 mètres de moins que celle l'ayant précédée(6). Dès la cinquième dynastie, aucun monument de ce genre n'est parvenu jusqu'à nous en un si bon état de conservation. Cela est-il une question de hasard ou est-il causé par un changement des techniques utilisées?
La pyramide rouge :

"Pyramide rouge de Snéfrou", Égyptologue : Le portail de l'égyptologie, www.egyptologue.fr
La seule merveille du monde antique encore debout ("Khéops") :

"La pyramide de Khéops : Quelques certitudes et encore bien des mystères", Europe1, www.europe1.fr
Les pyramides et les étoiles
Bien que la grande majorité des égyptologues ne dédient ces monuments qu'à des fonctions purement funéraires, certains chercheurs croient que ces derniers peuvent représenter certaines étoiles dans le ciel. Cette hypothèse a été le résultat d'un constat que Robert Bauval, un ingénieur civil, a émis en 1994(7). Il mentionne dans son livre "Le code mystérieux des pyramides", que les trois complexes pyramidales présents sur le plateau de Gizeh semblent avoir été construits pour représenter les dimensions et les emplacements de la ceinture d'Orion(8). Quelques années se sont écoulées avant que cette thèse inclut quatre autres monuments, tous attribués à des étoiles très lumineuses, situées dans la constellation d'Orion et du Taureau(9). Si ces structures ont bel et bien la fonction d'une carte stellaire, il est possible qu'elles n'ont pas été façonnées au cours du troisièmes millénaire, comme il est généralement admis aujourd'hui puisque qu'elles représenteraient un ciel vieux de 12 500 ans. Pour ceux qui connaissent la civilisation égyptienne au travers des manuels scolaires, cette théorie peut vous semblez étonnante, voir fantaisiste. Il s'agit d'une interprétation extrêmement controversée dans le monde archéologique et il n'est pas question dans cet article de convaincre qui que ce soit de sa véridicité, mais plutôt d'apporter les éléments qui l'appuient.
L'emplacement de cinq pyramides comparé à celui des étoiles de la constellation d'Orion :

Google maps, 2018
Tout d'abord, les Égyptiens ramènent la création de leur civilisation à des milliers d'années avant l'Ancien empire. Les mythes racontent qu'Osiris et Isis ont fait naître le pays en créant le Nil, ses habitants, les fruits de l'agriculture, son savoir et sa beauté. Ces derniers vivaient en paix dans la région jusqu'à ce que la jalousie de Seth le pousse à tuer son frère. Ce dernier a été coupé en quatorze morceaux et il a été éparpillé le long du fleuve. Isis parvient à retrouver tous les restes de son mari, hormis son phallus. Elle en a donc fabriqué un artificiel afin de récolter ses "semences". Elle parvient ensuite à le ressusciter parmi les étoiles et va le rejoindre pour qu'ils vivent ensemble éternellement(10). Les archéologues ont attesté la présence d'une culture matérielle distincte sur le territoire dès 25 000 avant-J-. Vers le 11e siècle, la population ne pratique pas encore l'agriculture, mais elle semble désormais installée en tant que semi-sédentaires en raison d'une croissance démographique importante(11). Au même moment, une augmentation de l'humidité et des précipitations transforment le désert du Sahara en plaines habitables. Entre le 8e et le 7e millénaire, la période néolithique frappe à leur porte avec l'arrivée des haches polies et des premières céramiques. Ils cultivent maintenant les graines de plantes sauvages, mais l'élevage des animaux n'arrivera pas avant le début du 5e millénaire avant J-C(12). La "création du monde égyptien", dont parle le mythe, se réfère peut-être à cette période et, donc l'emplacement des pyramides par rapport au Nil pourrait représenter celui de certaines étoiles à la naissance de la civilisation. Un autre indice pouvant peut-être permettre l'attribution du début de l'Égypte à ce moment est le sphinx du plateau de Gizeh. En 1989, le géologue Robert M. Schoch constate que l'érosion présente à la base du sphinx correspond aux traces laissées par des pluies importantes(13). Les égyptologues admettent généralement que le pharaon Khephren a ordonné la construction de cet hybride vers le milieu du 3e millénaire avant J-C. Toutefois, cette période est caractérisée par l'arrivée de l'aridité dans le nord de l'Afrique, qui d'ailleurs, sévit encore aujourd'hui. Les dernières précipitations abondantes ayant eu lieu vers le 6e millénaire avant J-C, les experts concluent que le sphinx n'a pas pu être bâti durant la quatrième dynastie(14). Il aurait plutôt été érigé durant les temps prédynastiques.
L'érosion présente sur le sphinx :

"The Great Sphinx of Egypt", www.robertschoch.com
De plus, il est important de mentionner que les peuples néolithiques pouvaient concevoir des monuments de grande taille. Sur le site de Göbekli Tepe, en Turquie, diverses structures en pierre du 10e millénaire avant J-C ont été mises au jour, alors que certains semblaient encore pratiquer le nomadisme dans la région. Bref, si les ancêtres de ceux que l'on appelle les Égyptiens à l'Antiquité ont construit le sphinx ainsi que d'autres bâtiments aussi impressionnants, il est probable que leurs successeurs ont souligné de tels exploits dans leurs mythes.
Mais, est-ce les habitants du Néolithique ou ceux de la période dynastique qui ont érigé les pyramides d'Égypte? La question n'est malheureusement pas facile à résoudre puisqu'il est impossible de dater les blocs de pierre. La grande pyramide est tout de même capable de fournir quelques informations qui permettent de réfléchir sur la question. À l'aide de logiciels, Robert Bauval relève que les couloirs présents à l'intérieur de celle-ci étaient autrefois dirigés vers certaines étoiles du ciel. En effet, Le puit nord de la "chambre du roi" pointait, vers 2570 avant J-C à 10 ans près, sur alpha draconis(15). Cet astre se trouvait exactement au nord géographique de l'époque. En d'autres mots, il était impossible de le voir bouger à l’œil nu pendant une très longue période de temps. Le tunnel au sud visait à la même époque Alnitak, l'une des étoiles de la ceinture d'Orion. D'ailleurs, si les pyramides de Gizeh représentent bel et bien ce trio stellaire, l'emplacement de "Khéops" par rapport aux autres structures présentes sur Terre correspond à celui d'Alnitak (16). À noter qu'aucun autre complexe pyramidal ne possède des cavités.

TAYLOR Ken Géométrie céleste : Gizeh (Égypte), p.172
L'étoile Alnitak dans le ciel comparé à l'endroit où se trouve la grande Pyramide sur le plateau de Gizeh :


Stellarium 0.11.0
Puisque toutes les deux sont dirigées au milieu du troisième millénaire avant J-C vers des étoiles importantes et significatives pour les égyptiens de l'époque, il est très probable que ces monuments ont été construits au cours de cette période. Ceci n'exclue toutefois pas qu'ils ont peut-être été bâti dans le but de représenter le début de leur civilisation.
Pour conclure, il n'est pas certain que les spécialistes arriveront un jour à connaître avec certitude la raison pour laquelle les Égyptiens ont érigé les pyramides. Néanmoins, certains textes de l'époque révèlent que cette population associait leurs divinités à des étoiles et que les pharaons pouvaient être ressuscités parmi elles après leur passage dans le monde des vivants. Les données astronomiques recueillies au sein de ces monuments appuient à nouveau l'importance des astres dans les croyances de cette civilisation. Bien que certains pensent que la position des monuments représente une carte stellaire vieille du 11e siècle, cela n'empêche pas de dire qu'ils ont été construits par les pharaons de la quatrième dynastie, car la première hypothèse ne contredit en rien la deuxième. Les dirigeants du Moyen-Empire ont peut-être décidé d'ériger ces structures gigantesques dans le but de représenter la Genèse de l'Égypte ou de figurer leur Dieu Orion sur Terre. Peu importe leur motivation, il est clair que pour bâtir des bâtiments de cette taille, les habitants devaient forcément être convaincus que c'était nécessaire de déployer des efforts considérables pour y parvenir.
Médiagraphie:
(1) STALDELMANN Rainer, Sur les traces de la civilisation pharaonique : La tombe royale au temps des pyramides, p. 47.
(2) Musée canadien de l'histoire," Mastabas", Mystères de l'Égypte, www.museedelhistoire.ca
(3) "Complexe du Meïdoum", Égypte Éternelle, https://egypte-eternelle.org
(4) STADELMANN Rainer, Sur les traces de la civilisation pharaonique : La tombe royale au temps des pyramides, p.58.
(5) Ibid., p.59.
(6) Ibid., p.66.
(7) ALFORD Alan, Robert Bauval Site, www.robertbauval.co.uk
(8) BAUVAL Robert, Le code mystérieux des pyramides : L'étoile à la tête du ciel,, p.50.
(9) TAYLOR Ken, Géométrie céleste : Gizeh (Égypte), p.170.
(10) BARTLETT Sarah, La Bible de la mythologie, p.82 et 369
(11) SEIDLMAYER Stephan, Sur les traces de la civilisation pharaonique : Les sources de la civilisation pharaonique, p.10.
(12) Idem.
(13) M. SCHOCH Robert, "The Great Sphinx of Egypt", Robert M. Schoch Site, www.robertschoch.com
(14) BAUVAL Robert, Le code mystérieux des pyramides : Seigneur des Jubilés, p.205
(15) Ibid, Annexes, p.276.
(16) TAYLOR Ken, Géométrie céleste : Gizeh (Égypte), p.170.
"Les principaux sites de l'Égypte ancienne", Encyclopédie BS, http://www.encyclopedie.bseditions.fr