À la recherche de l'Atlantide

Source : « Représentation graphique de l’Atlantis selon les indications de Solon », Pinterest, www.pinterest,fr
Introduction
L’Atlantide. Sa première mention nous parvient de la civilisation grecque. Platon, un philosophe du 5e siècle avant J-C, rédige les essais de Critias et de Timée entre -438 et -428(1). Il parle d’une civilisation hautement sophistiquée qui aurait vécu il y a environ 9000 ans avant son ère. Cette dernière vivait sur une île gigantesque « en deçà des colonnes d’Hercule(2) ». À cette époque, ce peuple surplombait tous les autres par son pouvoir et sa richesse. La nourriture y était abondante, des gisements de métaux se trouvaient dans tout le pays et leur armée avait pris possession de grands territoires partout autour d’eux. La population vivait en harmonie grâce aux lois communes, instaurées dans les dix royaumes du continent. Tout était parfait. Enfin, presque… La cupidité des hommes s’est progressivement accrue au cours du temps. Leur volonté de dominer et de régner a attisé la colère de leur Dieu Poséidon. Pour les punir, ce dernier a envoyé des gigantesques vagues sur l’Atlantide. Sa furie était si grande que la terre en tremblait. Le pays aurait sombré en un jour et une nuit. Bien que Platon ait été le premier à écrire sur ce récit, d’autres le connaissait avant. Lors d’un voyage en Égypte vers -590, Solon se serait rendu à Saïs, une ville située dans le Delta du Nil. Il aurait fait la connaissance du prêtre Psénopis qui lui aurait parlé d’une nation portant le nom d’Etelenty(3). Selon l’Égyptien, les Grecs ne possédaient plus le souvenir de cette époque lointaine en raison des catastrophes naturelles répétées qui ravagent la région. Un millénaire s’écoule avant que l’histoire ne refait surface. Depuis, elle ne cesse d’être dans les esprits de tous et créée un réel défi pour les historiens et les archéologues. D’où provient réellement l’Atlantide?
L’Atlantide a-t-elle vraiment existé?
L’hypothèse que l’île a vraiment existé s’atténue au fil du temps et des recherches. Beaucoup d’endroits dans le monde ont été attribués à l’Atlantide. Le problème est que chaque site présente des différences avec la description, la localisation ou la datation fournie par Platon. Néanmoins, la persistance du philosophe pour convaincre ses lecteurs que le récit est bel et bien réel n’est pas négligeable. En effet, il mentionne à plusieurs reprises que l’histoire est vraie et il ajoute que celle-ci lui a été racontée par son père Critias, qui lui, l’avait entendu de son père et ainsi de suite jusqu’au voyage entrepris par Solon(4). À ce jour, il est donc encore impossible d’infirmer que la civilisation « atlante » a véritablement existé. Peut-être n’a-t-on pas encore retrouvé ses traces? L’hypothèse selon laquelle la vérité a été modifiée au fil des millénaires est cependant plus plausible.
C’est un phénomène qui se produit dans de nombreux groupes pratiquant la tradition orale. Un autre cas que l’Atlantide s’est peut-être aussi manifesté au sein de la civilisation grecque. Certains historiens proposent que l’Iliade a été raconté oralement pendant plusieurs siècles avant d’être transcrit pour la première fois par Homère au 5e siècle. Les divers traits culturels portent à croire que des détails ou des modifications ont été apportés au récit originel. En effet, certains évènements de l’épopée semblent avoir tiré son inspiration de l’époque mycénienne, au 12e siècle avant l’ère chrétienne, alors que certaines pratiques se comparent davantage à l’époque de l’auteur. En 1882, Heinrich Schliemann découvre un site qu’il a tout de suite associé à la cité de Troie. Bien que les nouvelles fouilles n’ont pas permis d’attester officiellement cette attribution, il demeure néanmoins probable que cette dernière a réellement existée. Même si la localisation de Troie fournit par Schliemann ne témoigne pas du prestige que lui attribue Homère dans l’ouvrage, un incendie important l’aurait bel et bien ravagé à la fin de son occupation(5). Il n’est donc pas impossible que l’histoire a pris naissance d’un cas vécu mais, ayant été adaptée et héroïsée par les populations qui lui ont succédées, elle aurait été modifiée au fil du temps. C’est peut-être ce qui est aussi arrivé à l’Atlantide, puisque Platon décrit une capitale semblable à celle d’une cité grecque prospère de son époque. Il mentionne, entre-autre, la présence de bains publics, de jardins, d’un temple, d’un système d’aqueduc et, de plus, Poséidon est une divinité qui joue un rôle important dans les deux civilisations(6).
L’hypothèse d’Helike
La cité d’Helike a été ensevelie par un tsunami alors que Platon avait 54 ans(7). Elle était reconnue pour sa force militaire, économique et politique. Son pouvoir, elle le démontrait entre-autre par ses nombreuses colonies situées autour de la Méditerranée orientale. La ville possédait un temple renommé partout à travers la Grèce qui vénérait Poséidon. Lors de son moment fatidique, les états en périphérie ont profité de l’occasion pour prendre possession du territoire et de le gouverner(8). Quel est le lien avec l’Atlantide me direz-vous? En plus des similitudes que connaît Helike avec la légende, (ce point sera abordé ultérieurement) une ville plus ancienne a été mise au jour sous celle prospérant au temps de Platon. Il se trouve qu’elle aurait aussi été victime d’un tsunami. Datée de la deuxième moitié du 3e millénaire avant J-C, elle aurait prospéré à une époque où l’utilisation du bronze devenait courante. L’abondance des métaux serait donc en cohésion avec la description du philosophe. Toutefois, celle-ci ne se trouve pas « au-delà des portes d’Hercules », associées à l’actuel Détroit de Gibraltar. Une explication peut cependant être donnée pour justifier cette erreur de localisation. À une époque incertaine, les portes d’Hercules n’étaient pas attribuées à l’embouchure de la mer Méditerranée, mais à deux montagnes situées sur l’île de Crête(9). Encore une fois, cela cause problème puisque la cité antérieure à Helike est, selon le point de vue des Grecs, avant et non après l’archipel. Mais, rappelons que l’histoire ne provient justement pas de la Grèce, mais de l’Égypte! Sous cette optique, la localisation de l’Atlantide serait donc en parfait accord avec le texte. C’est donc l’interprétation faite par Platon qui serait la cause de cette confusion.

Que dire de Théra?
Théra est l’un des emplacements favoris des atlantologues pour désigner l’Atlantide. Elle se situe au sud de la Grèce continentale dans les Cyclades. Tout comme Helike, sous les yeux des Égyptiens, celle-ci se trouve aussi au nord de la Crête. Suivant le principe de l’hypothèse précédente, cet endroit ne contredit pas non plus les écrits de Critias et de Timée. Deux autres problèmes sont toutefois à élucider. Platon mentionne que le continent est « plus grande que la Lybie et l’Asie Mineure ». Santorin, ne faisant que 76km2, est loin de correspondre à cette superficie(10). Dans ce cas-ci, la puissance politique de l’état ne peut parvenir expliquer la mention de ce passage dans le texte. En effet, bien que des indices laissent supposer que les habitants ont eu le temps de quitter l’île avec leurs objets de valeur, rien ne montre que cette dernière avait un contrôle aussi important qu’Helike.
MC CONNAN BORSTAD Courtney, "Diet at Ancient Helike, Achaea, Greece based on table isotope analysis", Journal of Archaeological Science, Volume 18, Avril 2018.
Une autre piste pourrait cependant éclaircir cette énigme. L’expression « plus grand que » se prononce mezon en égyptien de l’époque. Sachant que le mot « entre » se prononce meson, certains chercheurs proposent que Solon aurait pu mal traduire les propos de Psénopis causant ainsi cette confusion(11). Il est aussi important de mentionner que la catastrophe à laquelle a été confrontée la ville n’est pas un tsunami, mais une éruption volcanique. Toutefois, la déflagration a été si forte que plus de la moitié de l’île s’est engouffré dans la mer.

Source : Le Grand Tour, « Grèce : Le mythe de l’Atlantide, France3, www.le grandtour.fr
La disparition de Spartel
Très peu connaisse l’île de Spartel. Normal, puisqu’elle n’existe plus depuis 12 000 ans! Elle était autrefois située dans l’océan Atlantique à environ 50 km du Détroit de Gibraltar. Au Paléolithique récent, Jacques Collina-Girard propose l’idée d’un endroit stratégique, pouvant faciliter la traversée de la mer Méditerranée entre l’Espagne et l’Afrique(12). Bien que les recherches ont révélées des traces d’occupation, aucune structure ne semble comparable aux gigantesques et splendides monuments décrits par le philosophe. Les traits culturels de la Grèce classique ont toutefois peut-être influencé le récit en intégrant, volontairement ou non, des composantes que les hommes de l’époque associaient à la beauté et au prestige. Les ajouts faits au récit ne contredisent en rien l’histoire originelle de Spartel, puisque l’Atlantide reposerait sur une vérité ayant été magnifié avec le temps, dans le but de conserver le haut statut lui étant attribué autrefois dans les récits des générations suivantes. Un autre fait intéressant est la manière dont l’île a disparu. Des géologues ont repéré une imposante couche sédimentaire de turbidité sur toute la surface de l’île, témoin important du passage d’un tsunami. Combiné à la montée des eaux causée par la fin de l’ère glaciaire, le lieu aurait été enseveli par l’océan en quelques heures(13).

Source : MOREAU Alain, « Continents perdus », monde nouveau, www.mondenouveau.fr
Et si c’était une histoire inventée?
Il ne faut pas non plus négliger l’hypothèse selon laquelle l’Atlantide serait un endroit imaginaire crée de toute pièce. Platon est né à Athènes à peine dix ans après que la Parthénon soit terminé. Il provient d’une famille aristocratique dont elle prétendait descendre des anciens rois de la cité. Au moment où ce dernier vivait, la prospérité de la ville n’était plus. À cette époque, elle subissait les conséquences de la conquête et de la tyrannie(14). Après avoir passé quelques temps à travailler au sein du pouvoir politique, Platon devient l’élève de Socrate et commence à rédiger des ouvrages sur la manière dont les états devraient être dirigés. Il s’oppose contre le contrôle des mers et les échanges commerciaux dont Athènes souhaite tant s’accaparer. Selon lui, le port est un lieu de « corruption morale » dont il ne faut pas s’approcher. Il prône une ville s’approvisionnant uniquement par l’agriculture de ses terres, réduisant les contacts avec le monde extérieur et empêchant ainsi l’importation des produits de luxe(15). L’Atlantide est peut-être un exemple inventé par le philosophe pour illustrer les conséquences d’un lieu fortement dépendant du marché maritime, et donc à la merci des échanges avec les autres. Bien que l’île pourrait être imaginaire, il n’est pas impossible qu’il a été inspiré d’un lieu déjà existant. C’est ici que la cité d’Helike refait surface. Rappelons-nous qu’il s’agissait d’une ville politiquement importante et qu’un tsunami l’a complètement anéantie alors que Platon était vivant. Le système politico-économique, ainsi que le triste sort de l’état l’a peut-être influencé lorsqu’il a rédigé ses textes(16).

Conclusion
Bref, bien qu’une multitude d’hypothèses existent pour tenter de mieux comprendre d’où provient l’Atlantide, il est malheureusement fort possible que son origine demeure pour toujours un mystère. Malgré les localisations intéressantes qui ont été étayées, tous contiennent des lacunes par rapport à la description de Platon. Même si les différences peuvent être en bonne partie expliquée par l’écoulement du temps, il demeure néanmoins que le manque de preuves ne permet pas d’affirmer avec certitude que la cité a réellement existé. Jusqu’à ce que de nouveaux indices soient trouvés, il faut se contenter de dire qu’elle n’a été, que depuis le début, dans l’esprit imaginaire des hommes.
Médiagraphie
(1) LÉVY Joël, Atlas de l’Atlantide et autres civilisations perdues : La ville éternelle, Paris, Éditions Véga, p.8.
(2) PLATON, Critias.
(3) LÉVY Joël, Atlas de l’Atlantide et autres civilisations perdues : La ville éternelle, Paris, Éditions Véga, p.14.
(4) Idem.
(5) « Le site archéologique de Troie », Histoire pour tous, www.histoire-pour-tous.fr, 1 page.
(6) LÉVY Joël, Atlas de l’Atlantide et autres civilisations perdues : La ville éternelle, Paris, Éditions Véga, p.16.
(7) Ibid., p.29.
(8) Ibid., p.28.
(9) Ibid., p.42.
(10) PLATON, Timée.
(11) Ibid., p.41.
(12) Ibid., p.74.
(13) Ibid., p.75.
(14) Ibid., p.18.
(15) Ibid., p.47
(16) Ibid., p.29.
Source : « Plato Pio-Clementino », Wikimedia Common, www.commons.wikimedia.org