Mettons fin aux préjugés en archéologie
Lorsque je mentionne aux gens que j'étudie en archéologie, je suis étonnée de constater à quel point ces derniers sont intéressés par le domaine. Je suis ravie de voir un tel engouement pour la discipline, mais je réalise de fait même, que l'image de l'archéologue est fortement biaisé par la vision que transmet les jeux vidéos, les livres et la cinématographie. Bien qu'ils ne dénigrent en rien son rôle, les idées perçues reflètent beaucoup plus souvent les premiers archéologues que la réalité actuelle. Il est temps que le métier retrouve sa véritable identité au sein de la société, ne trouvez-vous pas? C'est pourquoi j'ai décidé de mettre un terme à cinq préjugés qui sont régulièrement associés à l'archéologie dans le but de remettre les pendules à l'heure et d'expliquer ce que devient vraiment la discipline. Préparez-vous à ne plus voir celle-ci de la même façon qu'auparavant!
1) Les archéologues sont à la recherche de fossiles et de dinosaures
Les archéologues sont bel et bien des personnes à la recherche des traces laissées par le passé, mais ils ne sont pas en quête d'une existence aussi lointaine que les dinosaures. Ils étudient les civilisations et les autres groupes sociaux à partir des vestiges matériels laissés par l'homme lors d'une activité pratiqué(1). Il peut autant s'agir d'objets usuels et rituels que de structures et de monuments. Dans les cas où les archéologues vont observer et prendre en compte les fossiles ou les ossements se trouvant sur un site, c'est souvent lorsque ces derniers veulent connaître l'environnement dans lequel vivait les humains à une époque donnée. C'est ce qui est appelé le Paléoclimat. Les dinosaures, n'ayant jamais vécu en même temps que nos ancêtres, il n'est donc pas recherché par les personnes travaillant en archéologie. Cette discipline est souvent confondue avec la paléontologie qui se définit par l'étude des êtres vivants ayant peuplé la Terre au cours des temps géologiques(2) : le domaine dans lequel s'insère l'expertise des dinosaures.
Les ossements peuvent aussi être analysés dans un cadre archéologique. Il est très fréquent que des outils ou autres types d'objets ont été fabriqués à partir de cette matière. Il est tout aussi important de les considérer que les autres artéfacts trouvés, puisqu'ils constituent un apport de la culture qui les a crées. De plus, grâce aux ossements, il est possible de déterminer l'alimentation des individus ayant occupé la région.

2) L'archéologie n'est pas une discipline scientifique
L'archéologie ne fait en effet pas partie des sciences pures ou naturelles, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas pour autant une discipline scientifique. Par définition, la science est un ensemble de connaissances relatives à certains types de faits, d'objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par des méthodes expérimentales(3). Elle ne comprend donc pas uniquement des principes suivant une trajectoire universelle comme c'est le cas pour la fonte des métaux ou pour l'indice de réfraction d'une matière. Elle contient aussi tout ce qui peut être liée à l'homme et à son milieu puisque ces derniers peuvent être soumis à des expérimentations qui permettent d'approfondir davantage les connaissances sur l'humain. La différence majeure entre ces deux types de science c'est que celle pratiqué sur des éléments naturels peut, dans la plupart des cas, s'appliquer à un grand nombre de sujets si ceux-ci détiennent les mêmes propriétés physiques ou s'ils appartiennent à la même espèce, dans le cadre des animaux.
Pour ce qui est des sciences humaines ou sociales, les résultats peuvent être très différents même si la méthodologie appliquée est identique. Bien que tous les individus
Illustration de Céline PIRET, Arkéofacts..
sont toutes de la même espèce, l'environnement, la culture et le parcours vécus par ces derniers influencent un grand nombre de paramètres étant susceptibles de diversifier les réactions ou les réponses dans le cadre d'une expérimentation. C'est une des raisons pour laquelle il faut faire attention à l'interprétation que l'on attribue aux objets trouvés sur les sites archéologiques. La forme d'un artefact mis au jour, par exemple, peut être fortement apparentée à un objet utilisé dans la vie courante d'un chercheur. Sa fonction peut toutefois être totalement différente, puisqu'il s'agit d'une société passée, possédant des valeurs étrangères aux archéologues d'aujourd'hui. Néanmoins, l'analyse des vestiges retrouvés sur une occupation fournit des informations pertinentes et véritables s'ils sont étudiés en minimisant les biais scientifiques tels que la subjectivité. D'ailleurs, plusieurs procédés issus des sciences naturelles sont désormais appliqués à l'archéologie, tels que les méthodes de datation au Carbone 14 et les analyses résiduels faits dans des contenants en céramique.
3) Les archéologues passent tout leur temps à fouiller dans le sol
Tout dépend du type de travail que fait l'archéologue, mais une chose est sure : peu importe son métier, il ne passe certainement pas tout son temps à quatre pattes! Pour obtenir le titre officiel d' "archéologue", il est impératif de compléter une maîtrise dans le domaine. Bien sûr, il existe plusieurs types d'emplois, mais ces personnes peuvent en charge d'un chantier archéologique. Ils supervisent donc la plupart du temps les fouilleurs travaillant sur un site. Ceux, mettant au jour les artefacts, sont appelés techniciens de fouille. C'est le poste généralement occupé par les étudiants qui possède un diplôme de baccalauréat. Il arrive que certains archéologues continuent de fouiller, mais c'est majoritairement par choix et non par nécessité que ces derniers consacrent une bonne partie de leur temps sur le terrain. Les métiers, particulièrement liés au domaine de la recherche, demandent généralement de passer 10% (environ 5 semaines par année) du temps consacré au travail sur un site archéologique.
4) Il n'a aucun métier dans le domaine
Je vous mentirais si je vous disais qu'il a autant d'emplois en archéologie qu'en économie... mais l'avantage, c'est qu'il n'y a pas non plus beaucoup de travailleurs! De plus, il est important de savoir que la disponibilité sur le marché du travail varie selon les régions et les pays. Certains endroits seront aussi plus enclin à accueillir certains types de spécialités. Par exemple, au Québec, la plupart des archéologues embauchés travaillent sur des sites comportant des éléments de la préhistoire, de la période française ou britannique. Quelqu'un pratiquant l'archéologie classique aura certainement plus de chance d'être embauché en Europe qu'en Amérique du Nord, même s'il n'est pas impossible de travailler sur une culture étant présente sur un continent différent de celui où elle est étudiée.
Au Québec, la grand majorité des archéologues sont employés par les société d'États. La plus importante d'entre elles est Transport Québec qui soumet ses chantiers à des fouilles archéologiques avant la construction de ses infrastructures. Il est aussi possible d'être embauché par un grand nombre de firmes privés, tels que les universités, les musées, les centres d'interprétation et de restitution. Un autre fait intéressant est que, selon la nature de votre emploi et de votre spécialisation, il est possible de travailler et/ou de voyager un peu partout à travers le monde! Une fois que toutes ces informations sont divulguées, difficile de ne pas être tenté par cette profession, non :)?
5)Les archéologues sont des explorateurs
Si vous pensez que les archéologues sont des explorateurs, peut-être avez-vous été influencés par les films d'Indiana Jones? Personnellement, si je devais empêcher à des pilleurs de tombes d'entrer par infraction sur un site, en me battant à mains nues contre eux dans une voiture en marche, je n'aurais probablement pas opté pour ce métier. Bien que ce travail semble à première vue "exotique", il possède plusieurs points identiques aux autres disciplines qui sortent un peu moins des sentiers battus: Rencontres, rédaction de documents, échéance à respecter etc. Bref, un peu moins excitant qu'être à la recherche d'un trésor! Les exigences de cette discipline varient, bien entendu, selon le type d'emploi qui est occupé. À titre d'exemple, voici les grands lignes de ce que à quoi est confronté un archéologue travaillant dans le domaine de la recherche. Tout d'abord, il rédige un document qui explique le potentiel d'un site archéologie qu'il souhaite étudier. Il doit en donner des preuves, notamment par les résultats de prospections qui ont été faites sur le terrain. Une prospection est un sondage étant effectué dans les secteurs qui ont un fort potentiel d'avoir été habité par le passé. Si le projet est approuvé, il recevra une subvention qui lui permettra de faire sa fouille et de mettre au jour des structures, des artefacts et des écofacts. De retour à son laboratoire, lui et son équipe effectuera un tri des vestiges qui ont été retrouvés. Seuls ceux lui permettant de répondre à sa question de recherche seront étudiés. Les autres seront catalogués et entreposés jusqu'à un autre chercheur les utilise pour répondre à sa propre problématique. Les analyses lui fourniront des données quantitatives et qualitatives qui pourront être interprétées en prenant en compte le contexte de leur découverte et l'environnement dans lesquels ils ont

pris naissance. Cette dernière étape permet de lever un coin de voile sur l'histoire de l'humain, puisqu'elle révèle des caractéristiques d'un mode de vie ayant été pratiqué dans une culturel antérieure à aujourd'hui. Les interprétations sont généralement publiées dans un article afin de les rendre accessibles à tous.
Il ne s'agit donc pas d'un domaine où l'on vit de grandes aventures improvisées remplies de péripéties, mais il n'est pas non plus régit à une routine. C'est un métier où, chaque jour, il est possible de découvrir un aspect ignoré de notre passé.
"Stolen antiquities returned form Hobby Lobby President's loot cache", Boingboing, www.boingboing.net.
J'espère donc que cet article vous a davantage éclairé (et non découragé!) sur ce qu'était exactement l'archéologie. Ne vous arrêtez pas pour autant d'écouter Indiana Jones, ce sont d'excellents films.
Médiagraphie
(1) "Archéologie", Larousse, www.larousse.fr
(2) "Paléontologie", Larousse, www.larousse.fr
(3) "Science", Larousse, www.larousse.fr
